Dans une interview d’ Al-Ahram Hebdo , intitulée «Nous n’avons pas besoin de réforme démocratique», [1] Mohamed Moussa, président de la commission législative de l’Assemblée du peuple et membre du Parti National démocrate (PND, au pouvoir) en Egypte estime qu’aucune réforme démocratique n’est nécessaire. Voici l’interview intégrale:
Al-Ahram hebdo: La réforme politique est un mot d’ordre qui circule avec insistance au sein de la classe politique. Pensez-vous qu’elle soit nécessaire?
Mohamad Moussa: Rien ne justifie une réforme politique en Egypte. Notre pays a adopté un système politique à l’exemple de ceux des pays démocratiques du monde entier. Nous avons une Constitution, une Assemblée du peuple (Parlement), un Conseil consultatif (sorte de Sénat), un pouvoir exécutif, un pouvoir judiciaire indépendant. Qu’entend-on par réforme politique? Je veux savoir quel est le sens de cette expression. Quel en est le but? Qu’est-ce qui nous manque pour qu’on nous demande de réaliser une telle réforme?
– Mais l’Etat lui-même a pris l’initiative en projetant certaines mesures (…)
– Il est vrai que le PND a préparé un texte de loi pour la suppression des tribunaux de la Sûreté de l’Etat et la peine des travaux forcés. Mais il faut rappeler que les travaux forcés, en tant que peine, n’étaient pas appliqués en Egypte. Le terme peut suggérer qu’il existe un système où les détenus sont contraints à la corvée. Et les tribunaux de la Sûreté de l’Etat vont être supprimés, les mêmes juges vont siéger dans les tribunaux ordinaires. Il n’existe pas de changements substantiels, ce sont simplement les appellations qui vont changer.
– Une culture démocratique existe-t-elle en Egypte de manière à favoriser la réforme?
– Pourquoi utiliser des termes pompeux? Nous avons une liberté et une démocratie dont la base est constituée par des élections qui ont lieu sous le contrôle de la magistrature. Le citoyen a la liberté totale de voter. Ainsi, les élections législatives de 2000 ont eu lieu sous le contrôle des juges dans toutes les commissions de vote.
S’il faut parler de culture démocratique, on peut rappeler que la liberté d’expression existe. Toutes les opinions sont exprimées dans la presse nationale et celle de l’opposition. La presse nationale ne manque pas de publier des opinions critiques. Nous bénéficions d’une liberté politique et d’un Parlement efficace, avec des députés qui représentent presque tous les partis.
– En parlant de démocratie à l’heure actuelle, fait-on ainsi le jeu des Américains?
– Les Etats-Unis ne sont pas concernés. Personne ne nous dicte les mesures à adopter. Tout ce que nous faisons est dans l’intérêt de l’Egypte qui veut des réformes. Un Etat étranger aussi puissant soit-il, ne peut nous imposer ses conditions. Ce n’est pas à partir de Washington que nous choisissons notre politique. Nous bénéficions d’une liberté absente dans d’autres Etats. Il ne faut pas souscrire aux propos de certains esprits mal intentionnés.
– Pensez-vous que nous avons besoin de changements constitutionnels? – La Constitution égyptienne est l’une des meilleures au monde. Beaucoup d’Etats souhaiteraient avoir une Constitution du même genre. Le multipartisme existe. Peut-être qu’il n’est pas suffisamment représenté à l’Assemblée du peuple et autres parce que les partis politiques n’ont pas de présence au sein de l’opinion publique. Il faudrait qu’ils aient un rôle effectif que les citoyens pourraient ressentir. Le problème est dans les formations politiques et non dans la Constitution.
[1] Al-Ahram Hebdo (Egypte), 28 mai – 3 juin 2003