Le régime irakien, symbolisé par Saddam Hussein, essuie des critiques de plus en plus virulentes de la part des médias saoudiens. Celles-ci vont jusqu’à suggérer au président irakien de démissionner et de s’exiler à l’étranger pour épargner à son peuple la catastrophe d’une guerre. Voici quelques extraits d’articles:
Sous le titre: «La démission plutôt que la guerre», Mme Houda Al-Husseini, journaliste au quotidien saoudien Al-Sharq Al-Awsat, édité en arabe à Londres, déplore l’attitude de Saddam Hussein,[1] une fois de plus prêt à s’engager dans une «guerre victorieuse». Elle conclut que la démission du président irakien est préférable à la guerre.[2]
Dans Al-Hayat, autre quotidien saoudien édité à Londres, le chroniqueur Abd El-Wahab Badr-Khan estime, dans un article intitulé «Le scénario de la démission», que Saddam se prépare à une deuxième «Mère de toutes les batailles». Bien qu’ayant perdu la première, il continuerait de croire que c’est la victoire qui lui a permis de demeurer au pouvoir. Badr-Khan déclare que dans la pratique, le régime s’est effondré et que tous les calculs du président irakien se sont avérés faux. Il ajoute que la seule façon de sauver le pays d’une totale catastrophe est la démission de Saddam.[3] Le premier chroniqueur à évoquer la possibilité d’un asile politique à l’étranger du président irakien fut Jihad Al-Khazen, principal chroniqueur d’Al-Hayat, il y a déjà plusieurs mois. [4]
Dans un éditorial intitulé «La décision historique attendue», le quotidien saoudien Okaz suggère que pour éviter à l’Irak et au peuple irakien la tragédie et la catastrophe d’une guerre, Saddam Hussein ferait bien de prendre une décision «courageuse, responsable et historique», faisant passer l’avenir de son pays et de son peuple avant celui d’un régime qu’il est devenu difficile de défendre et de maintenir.» [5]
Reprenant l’affirmation du roi Abdallah de Jordanie selon laquelle seul un miracle pourrait sauver la région de la guerre, Irfan Nidham Al-Din fait part dans Al-Hayat de son rêve de voir Saddam et les principaux responsables du régime démissionner et remettre le pouvoir à un gouvernement provisoire chargé de régler le problème des armes de destruction massive. [6]
Dans un élan peu ordinaire, des intellectuels arabes ont fait circuler une pétition appelant Saddam Hussein à abdiquer.[7] Les signataires «demandent à l’opinion publique dans le monde arabe d’exercer des pressions pour démettre Saddam Hussein et ses proches assistants de leurs fonctions, afin d’éviter une guerre qui serait une catastrophe pour les peuples de la région. [Ils appellent aussi] à l’instauration de la démocratie à Bagdad et au stationnement dans tout le pays d’inspecteurs des droits de l’homme envoyés par les Nations unies et la Ligue arabe, chargés d’assurer le bon déroulement de la passation des pouvoirs.» [8]
La franchise de ces appels semble bien douce comparée à un article du quotidien saoudien Al-Jazira:[9] après avoir passé en revue les quatre positions possibles du royaume saoudien face à la guerre en Irak, D. Ali Ben Shuwail Al-Qarni, président du Conseil d’administration de la Société saoudienne pour l’information et la communication et maître de conférences à l’université du Roi Saoud, invite Saddam Hussein à se suicider:
« En ce qui concerne l’Irak, le changement [de régime] est inévitable, avec ou sans guerre. Mais qu’adviendra-t-il de Saddam Hussein? Sa majesté abdiquera-t-elle pour empêcher un massacre et sauver les intérêts vitaux de l’Irak et de la région?»
Si Saddam refuse d’abdiquer, il ne lui reste plus qu’une solution pour éviter de mener le monde à la catastrophe, dit Al-Qarni: «tendre la main vers son revolver et tirer le coup de feu de la clémence qui mettra fin à la tragédie qu’il a initiée.» [10]
[1] Dans le «forum des écrivains» du quotidien saoudien Al-Riyadh, le chroniqueur Badriyah Al-Bashar ironise en affirmant que Saddam mériterait un prix pour l’interview donnée à Tony Benn: «Il mérite un prix parce qu’il a initié deux guerres, l’une contre l’Iran et l’autre contre le Koweït… Saddam mérite un prix parce qu’il imagine que l’histoire de Bagdad a commencé il y a seulement trente quatre ans, le jour où il a pris le pouvoir dans le pays, détruisant la culture de Bagdad… Il mérite un prix parce qu’il a provoqué la fuite des écrivains et des chercheurs scientifiques irakiens, et a réduit les Kurdes au silence à l’aide d’armes chimiques.» Al-Riyadh, le 9 février 2003.þ
Dans un article intitulé «Le moindre mal », le chroniqueur d’Al-Hayat Daoud Al-Shiryan déplore le dilemme imposé au peuple irakien par Saddam : ce peuple doit choisir entre soutenir une Amérique qui le sauverait d’un «régime despotique et autoritaire», lequel a gaspillé les richesses nationales et fait preuve d’«une sauvagerie politique sans précédent dans l’histoire», et prendre part à une bataille perdue d’avance dans les tranchées de Saddam, Al-Hayat, le 1er février 2003.
[2]Al-Sharq Al-Awsat, le 10 janvier 2003
[3]Al-Hayat, le 4 janvier 2003
[4]Al-Hayat, le 19 juillet 2002
[5]Okaz, le 25 janvier 2003
[6]Al-Hayat, le 10 février 2003
[7]Al-Sharq Al-Awsat, le 5 janvier 2003
[8]The Daily Star, le 6 février 2003
[9]Al-Jazira, le 25 janvier 2003
[10]Un sentiment similaire a été exprimé il y a quelques jours dans le quotidien égyptien officiel Al-Gumhurriya. Dans un article intitulé «Après moi le déluge» (en français dans le texte), le quotidien estime que Saddam ne s’exilera que quand tout le peuple irakien se trouvera lui-même exilé.» Ce n’est qu’alors «que Saddam se demandera s’il doit lui aussi quitter le pays… pour profiter des richesses et des plaisirs», le 9 janvier 2003.