Ashraf Al-Ajrami, chroniqueur au quotidien de l’Autorité palestinienne Al-Ayyam, s’est penché sur les racines du phénomène des attentats-suicide perpétrés par des enfants. Dans son article, M. Al-Ajrami demande que l’Autorité palestinienne prenne des mesures pour faire cesser ce type d’attentats. Voici quelques extraits de l’article:
Pourquoi des enfants palestiniens perpètrent-t-ils des attentats-suicide?
Le phénomène des martyrs [auteurs d’attentats-suicide] est en pleine expansion, surtout parmi les mineurs. Il semblerait que la détresse engendrée par la dureté de leur vie et l’avilissement qu’ils subissent sous l’occupation en amène plusieurs à dédaigner la vie et à chercher le chemin le plus court vers l’au-delà, afin de se libérer de la réalité et d’accéder au Paradis.
L’honneur et l’estime que le peuple palestinien accorde aux martyrs ont, sans aucun doute, joué un rôle déterminant dans l’émergence de ce phénomène. De même, les funérailles des martyrs et les célébrations tenues en leur honneur sont toujours accompagnées de discours sur la vie future et la sérénité éternelle [dont les martyrs jouissent] aux cieux, ce qui amène les gens à se dire: “Pourquoi attendre et s’acharner à vivre une vie de misère quand il suffit d’appuyer sur un bouton ou tout simplement de se placer à portée des tirs israélienspour se retrouver au Paradis ?”
Il est dangereux d’exploiter les sentiments nationalistes et l’engouement des mineurs en les encourageant à devenir des martyrs pour rien, comme cela s’est produit dans la bande de Gaza. Dernièrement, des enfants y ont risqué leur vie pour avoir droit à la vie éternelle, ou tout au moins aux funérailles et célébrations réservées aux martyrs.
Certains enfants de Gaza subissent l’influence de l’école, de la mosquée ou de rassemblements où l’on fait l’éloge du sacrifice et du martyre. Contre paiement, certaines personnes sont prêtes à armer les enfants de pistolets, grenades et bâtons de dynamite, disponibles pour quelques shekels seulement. Ces enfants au cerveau lavé sont imprégnés du désir d’approcher l’implantation la plus proche, où les soldats de l’occupation auront vite fait de les tuer.
Nos données indiquent qu’un nombre considérable d’enfants martyrs de la bande de Gaza se sont rendus vers les implantations en plein jour ou par des chemins découverts. Dans 90% des cas, ils se sont exposés au danger parce qu’ils étaient armés de grenades, de bâtons de dynamite et d’objets similaires – acquis la plupart du temps avec de l’argent de poche – qui ne suffisent sûrement pas à porter atteinte à l’occupant.
En outre, le martyre [suicide] d’enfants nourrit la propagande haineuse de l’ennemi en ce qu’il appuie ses dires selon lesquels les Palestiniens envoient leurs enfants [se battre] en première ligne. Il s’agit là d’affirmations mensongères dont le but est de justifier les tirs dirigés vers tous les Palestiniens de façon indifférenciée, tirs qui ont causé la mort de plusieurs enfants au cours de cette Intifada et qui mettent en danger les jeunes vies dont la patrie aura besoin une fois que ces enfants seront en âge de servir la société.
Qui plus est, ce phénomène conduit les enfants à se révolter contre leurs parents: on a rapporté que les enfants menaçaient leurs parents de devenir des martyrs si ces derniers ne se pliaient pas à leurs exigences ou n’ignoraient pas délibérément le comportement inapproprié de leur progéniture.
Notons aussi qu’à plusieurs reprises, des enfants ont utilisé des bâtons de dynamite au cours de querelles internes.
Que faire pour mettre un terme aux attentats-suicide perpétrés par des enfants?
Des efforts collectifs devraient être déployés pour enrayer ce phénomène, en commençant à la maison: il convient de surveiller les enfants et d’en prendre soin, de répondre à leurs besoins moraux, de suivre de près leurs activités. Il convient d’agir de même à l’école ou à la mosquée, responsabilité qui incombe à l’Autorité palestinienne. Toutes les activités ayant un effet pervers sur l’équilibre psychologique de l’enfant, ou le sortant du cadre normal où il est censé évoluer à son âge, doivent être contrôlées. L’école doit encourager les enfants à développer des centres d’intérêts et à s’adonner à des activités constructives, formatrices, pendant leur temps libre, activités qui les libéreront de l’influence négative de l’actualité sur leur terre.
Parallèlement, le personnel de sécurité devrait procéder à l’arrestation des trafiquants d’armes et de leurs collaborateurs, lesquels cherchent à s’enrichir sur le dos des jeunes ou à liquider cette génération enthousiasmée par la cause nationale et désireuse de se battre. Ces trafiquants d’armes et ces collaborateurs devraient être sévèrement punis.
Il est également important d’empêcher les mosquées de trop s’occuper de politique car elles créent un terrain propice à l’exploitation de ces jeunes esprits.
Les médias palestiniens ont un rôle important à jouer: ils devraient éviter de diffuser des images susceptibles de perturber les enfants ainsi que de grossir les nouvelles tragiques, car cela engendre frustration et désespoir chez les enfants. Le temps de diffusion des programmes destinés à la jeunesse doit être conséquent, et accru en temps difficile.
Nous ne devons jamais oublier que la situation actuelle est temporaire et que l’avenir sera meilleur. L’avenir, de toutes façons, appartient à la jeunesse, à la génération [adulte] de demain. [1]